[ Accueil] [Plans] [News] [Contact] [Liens] [Mailing-list] [Livre d'Or] [Archives] [Interview] [Leçons]

Interview exclusive d'Olivier batteur de Raï Na Rap

Mon style, c'est le métissage
1 Olivier, présente toi: 
Je m'appelle Olivier Guéritaine, alias Ollie (mais les membres du groupe m'appellent Zitoune, "olive" en arabe). Je suis né à Marseille il y a trente-sept ans. 

2 Pourquoi la batterie? 
Quand j'étais petit, mes parents avaient essayé (en vain) de me faire apprendre apprendre le piano comme mon cousin Philippe, puis, sans plus de succès, la guitare. Mais quand j'ai vu ce que Philippe faisait au piano, je me suis acheté une paire de bongos. 
J'ai même eu les Synsonics Drums de Mattel (un jouet, en fait), avec lesquels je reproduisais les sons de Sly Dunbar. J'ai reçu à vingt ans mon premier charley et ma première caisse claire. 

3 Joues-tu d'un autre instrument? 
Je ne joue d'aucun autre instrument (à part les petites percussions additionnelles). J'aurais adoré le trombone ou l'accordéon. 

4 ton parcours musical, ton histoire jusqu'à aujourd'hui : 
J'ai appris tout seul, d'oreille. Quand j'ai vu que je plafonnais, j'ai décidé de prendre des cours. J'avais dû m'installer à Lille pour mon boulot (je suis professeur de français). Je me suis inscrit à l'école de batterie de Lille dirigée par Adriano Zampieri. J'y suis resté de 89 à 94, date de mon retour à Marseille. C'est Adriano qui m'a appris la technique, la rigueur, la méthode de travail, et (les autodidactes l'oublient souvent) le respect de l'instrument. 
Avant mon départ dans le Nord on avait monté D&B Line, un petit groupe de reggae, avec mon cousin Philippe. On reprenait du Marley, du Spear, du UB40 et on avait quelques compos. On a fait quelques dates, dont une, mémorable, avec le Massilia Sound System qui débutait alors. Puis à Lille j'ai joué dans plusieurs groupes : Ad Lib (rock et rhythm & blues), Eucalyptus Grove (pop-rock), et enfin Soledad (chanson-soul), un groupe vraiment abouti. 
De retour à Marseille j'ai assez vite intégré Raï Na Rap. Karim, le chanteur, était un de mes anciens élèves ! C'est lui qui m'a présenté à Abdellah et Kader, qui avaient le projet de faire fusionner raï, reggae et rap. Un mélange 100% Marseille. 

5 es tu lecteur? 
J'ai commencé le solfège à vint-cinq ans ! Cela montre qu'il n'y a rien d'impossible si on veut apprendre. Je ne suis pas un grand lecteur, mais j'avoue que le solfège m'est très utile si je veux noter un plan que j'ai peur d'oublier. Et puis j'ai encore à Lille un ami percussionniste, Marco (un élève de Fred "El Pulpo"), qui m'envoie toutes sortes de plans afro-cubains. 

6 tes influences? 
J'ai appris la batterie en écoutant les grands batteurs de reggae : Carlton Barrett, Sly Dunbar et Leroy "Horsemouth" Wallace. 
J'adore l'instinct et la précision de Carlton, l'inventivité de Sly, le funambulisme de Horsemouth. Je pourrais en parler des heures. Par la suite, j'ai appris à apprécier Steve Gadd et Dédé Ceccarelli, (les maîtres du groove), Vinnie Colaiuta (pour l' intelligence et la finesse de ses mesures composées), Manu Katché (pour ses charleys et ses splashes) et, comme théoricien, Terry Bozzio. Et comme tout le monde j'admire les batteurs de funk qui ont joué avec James Brown ou Maceo Parker. 

7 comment définirais-tu ton style? 
Mon style, c'est le métissage. Je n'ai pas peur de balancer une clave latine sur un titre raï, de mettre un chabada sur une tourne funk, de mêler un bogle dancehall à une rythmique égyptienne, de rompre un bon vieux roots reggae riddim avec un plan hip-hop. C'est le son de Marseille. Yes I ! 

8 quelle est ta définition d'un bon batteur ? 
Pour moi, le bon batteur est celui qui reste musical, celui qui sert le morceau. J'aime surtout la musicalité d'une partie de batterie. Ainsi, je ne suis guère sensible à la virtuosité d'un Dave Weckl, par exemple. Je le trouve trop cérébral. Or la batterie me semble un instrument de l'entre-deux : entre sensualité et technique, entre tension et détente, entre douceur et fermeté. Elle concilie la rigueur du métronome et la spontanéité du djembé. Je n'aime pas non plus les tâcherons à la Mel Gaynor. Je ne peux guère parler des batteurs de rock : je n'en écoute presque jamais. En tout cas, pour vibrer comme auditeur, je veux du groove, du groove, du groove. 

9 quand tu étais chez Adriano Zampiéri, travaillais-tu beaucoup ton instrument, avais-tu une méthode de travail, mettais-tu l'accent sur certains points ? 
Adriano est un professeur très rigoureux. Il demandait toujours d'articuler le travail en plusieurs pôles complémentaires : les gammes, le solfège rythmique et les partitions. Il suit la méthode Agostini, qui présente l'avantage d'être très cohérente. Ainsi à chaque gamme correspondent des pages du solfège rythmique. Par exemple, Adriano pouvait demander d'interpréter les partitions du solfège rythmique à la caisse claire, en jouant par-dessus un système grosse caisse / charley (système "bossa", système "songo", etc.). C'est excellent pour l'indépendance ! Pour le travail sur partitions, l'accent était mis sur les partitions d'examen Agostini, mais on pouvait aussi s'intéresser à d'autres relevés de jazz, de variétés, de rock, de fusion. Quelquefois, il organisait des ateliers basse / batterie avec des intervenants extérieurs, et surtout des master-classes avec les meilleurs batteurs.
Ecouter Dédé Ceccarelli, Loïc Pontieux, Vinnie Colaiuta ou Jo Hammer donner leurs conseils, expliquer leurs plans et les jouer est une expérience irremplaçable. Depuis que j'ai quitté le Nord, Adriano a développé son association, l' A.D.R.I.E.M., dont les activités sont multiples, comme par exemple le déplacement au Meeting annuel des Batteurs à Coblence. 

10 travailles tu toujours la batterie? 
J'avoue que mon boulot de prof, ma vie de famille (j'ai deux enfants) et mon investissement dans Raï Na Rap ne me laissent pas le temps de travailler l'instrument comme il le faudrait, ou disons comme le ferait un vrai professionnel. Avant chaque répétition je fais mes gammes et je revois tel ou tel plan, mais j'ai conscience que ça ne suffit pas. En concert, je peux avoir tendance à prendre un mauvais tempo (ou à le faire bouger en cours de morceau). Si je suis fatigué, ça arrive. C'est le point faible que je 
dois surveiller. 

11 quels sont tes CD de chevet? 
Oh fan, difficile de répondre : j'en ai des dizaines. Tout Bob Marley, bien sûr (peut-être surtout Survival). Beaucoup de Burning Spear (Social Living). Le premier Steel Pulse (Handsworth Revolution). Mais aussi LKJ, Rico Rodriguez, Ernest Ranglin, Culture et Israel Vibration, le ska originel, le jazz jamaïcain. J'adore aussi les Beatles à partir de 67 (je crois que je préfère le double Blanc). J'aime beaucoup Sting, surtout 10 Summoner's Tales, Peter Gabriel (n°4 et So) et certaines fois Paul Simon (The Rhythm of the Saints). Tout Gainsbourg (du moins jusqu'en 83). Un temps, j'ai adulé Prince (Parade), ça m'a un peu passé. Pour le funk c'est Maceo que je préfère. J'écoute beaucoup de world. J'ai un faible pour Youssou N'Dour (Set) et Salif Keita (Soro), deux des plus grands chanteurs du monde selon moi, comme Khaled avant son virage variété. La musique des Tsiganes des Balkans me chavire, tout comme la vraie salsa (j'ai découvert cet hiver Jimmy Bosch, c'est à tomber), Michel Camilo, Irakere et, comme tout le monde (ce qui fait bien rigoler les Cubains), le Buena Vista Social Club. C'est pas de la musique de jeunes, tout ça ! Et pour finir : la fusion funk-musique turque (!!!) de Brooklyn Funk Essentials, et un disque pas très connu, Jazzpaña, le projet flamenco-jazz d'Arif Mardin avec Peter Erskine : ça tue ! 

12 quelle est ton actualité? 
On peut avoir des renseignements sur Raï Na Rap sur le site Internet du groupe. Raï Na Rap figure cette année dans le catalogue Saison 13 (un dispositif du Conseil Général des Bouches-du-Rhône). 
Prochain concert : 17 novembre, Aubagne (13), salle des Marronniers. 
Pour les autres dates, voir le site Internet et les agendas culturels comme ConcertAndCo Notre premier album, autoproduit, est actuellement disponible dans la région de Marseille. Il va bientôt être distribué. 

13 as-tu des parties bien précises dans Raï Na Rap? comment les as-tu développées? les as-tu travaillées en
compagnie du bassiste?

Oui, j'ai des parties très précises, qui sont jouées à l'identique d'un concert à l'autre (mais qui ne sont pas tout-à-fait les mêmes que sur l'album). Comme Abdellah, le bassiste, est aussi le principal compositeur du groupe, il arrive souvent avec une petite idée des parties de batterie. Ce peut être une suggestion pour un riddim, ou simplement une orientation, une couleur générale. Il peut avoir envie de tel tempo, ou de tel son (du rim-shot, des balais, etc.). Et Kader, le guitariste, a lui aussi des idées précises sur la coloration du morceau. La plupart du temps, les structures des chansons se travaillent en groupe. Comme Karim, le chanteur, joue aussi de la derbouka et des qarqabous (sortes de doubles castagnettes en fer, utilisées par les Gnaouas), nous pensons souvent les rythmiques ensemble. Il arrive aussi que les chansons naissent d'improvisations, à partir d'un rythme que j'envoie, d'une "drum & bass line" qui tourne, ou d'un groove de guitare. Enfin, le pianiste, Fabrice, utilise parfois des samples ou des boucles de batterie, auxquelles je m'ajoute. (Voir texte ci-joint "Comment j'ai travaillé le riddim de Mseken")

14 question ouverte : 
Le batteur du Grateful Dead (Mickey Hart, je crois) a publié il y a quelques années un livre sur les rapports entre la batterie et la musique d'Afrique de l'Ouest : qui en connaît le titre ? Est-il encore disponible ? 

propos recueillis en Octobre 2001
Merci Ollie.

configuration du set d'Ollie:
Mon set est assez hétéroclite, mais je crois qu'il sonne de manière cohérente. 
Grosse Caisse Sonor Phonic Plus de 24' dont je cherche désepérément à me séparer : elle pèse un âne mort !).
3 toms fûts profonds de chez Yamaha Série 9000, dite Recording Custom) : 12'-13'-16'.
Caisse Claire Yamaha en érable ( jouée sans sourdine juste un peu de gaffer)
Ça énerve Fabrice, le pianiste, et Christophe, l'ingénieur du son ; mais bien réglée et avec une peau 
neuve, elle sonne d'enfer. 
Ma vieille caisse claire Maxwin (!), privée de sa peau de timbre, me sert de timbales pour les breaks 
de roots reggae. 
Mon charley et mes deux crashes sont des Paiste, j'ai aussi une splash et une ride (série A) de chez Zildjian. 
Selon l'humeur et les besoins, je commande les sons de ma fidèle Boss DR-660 avec un vieil Octapad, et j'ai même conservé 
un module Simmons pour quand j'ai la nostalgie du son du début des 80's. En concert, sur certains titres, j'intègre aux parties de batterie un tambourin (fixé au charley), un bâton de pluie, un triangle ou des shakers. 

  Paskal